La soupe aux éléphants
Le jour d’après {26 août 2020}
Ce matin, la houle se déploie au large pour venir s’amollir en un raffut orageux. La marée humaine se rue dans les vagues en de petits points noirs aussi luisants que des morceaux de viande de boeuf bouillis à la surface d’un bol. Et je repense au potage de ma mère.
Ma mère n’a jamais aimé les morceaux dans la soupe. Petite, elle appelait ça « les éléphants ». Rapport à leurs trompes, je crois. Du coup, on a toujours réclamé des soupes sans éléphants.
Avant que la houle ne s’effondre et avale tout sur son passage, les visages sans corps apparaissent comme dans un mauvais montage. Et Splash ! Des pieuvres chevelues pataugent dans la mousse d’une bière précipitamment versée. Tout est dégueulassé. Des éclats de chair se dispersent aux pieds des parasols rayés et viennent cogner les tibias des maitre-nageurs. Ce matin, il y a des éléphants dans la soupe.
Nous scrutons les hauts-parleurs dans l’attente de l’annonce officielle. Vivement la fin des vacances car tout le monde semble être au bout du rouleau.
{Extrait} Chroniques du Royaume