Alpha, Bravo, Charlie
{Jour 13}
Une odeur de cire tiède et de ciboulette flottait dans l’air. Il m’a semblé que les jonquilles, têtes baissées, me saluaient. J’ai remonté l’allée au pas, encadrée par une haie d’honneur de menthe. Les Iris se tenaient droits, dignes dans leur costume en velours violet. Le verdier, posé au sommet du rosier rouge, était à lui seul un arc-en-ciel. Dans cet orage, je cherchais des yeux le rayon de soleil. Solennel, le cri des pies a soudain retenti dans les hauts-parleurs de la canopée, mimant des ondes radio venues d’ailleurs.
Alpha, Bravo, Charlie. Décryptage réussi : je venais de me faire remercier.
Sans cérémonie officielle, sans même un pot de départ décoré de guirlandes colorées suspendues au-dessus d’un bureau vide, je venais de me faire remercier. Sans bougie à souffler, ni flûte de Champagne en plastique à siffler, je venais de me faire remercier. Au fond du jardin, le parterre de pâquerettes semblait former un groupe soudé. Tremblantes à chaque rafale, unanimes dans la résistance, elles me ramenaient à cette cohésion récente, qui venait tout juste d’être expédiée.
C’est en cherchant des yeux le rayon de soleil dans l’orage, le chignon enfoui dans l’herbe, qu’une hirondelle raya le ciel bleu. La première de l’année. Dans sa combinaison de voltigeur basejump, elle m’annonçait l’arrivée du printemps.
Alpha, Bravo, Charlie. Décryptage réussi : à chaque fin vient un nouveau début.
{Extrait} Chroniques du Royaume