En résidence d’écriture à l’automne
Cet été, mes yeux ont fané autant que le tissu du parasol. J’ai dû agrandir la typo de mon document Texte ; la seule police que je souhaite voir augmentée. Dans l’écran de mon ordinateur, je distingue le reflet du ciel, les nuages tremblent à l’intérieur des lettres. J’ai la touche Supprimer abîmée.
Les lignes imaginaires de mes calepins piquent vers le sud. J’écris petit, pattes de mouche on dit. Je cultive mon obsession pour les stylos noirs calibre 0.38, je scotche des feuilles dans mes carnets, j’y dessine mal des bistrots, des papillons et des objets, j’y détaille les moments où il se passe que dalle parce que j’aime surtout envisager ce qui aurait pu arriver. Cultiver la fiction dans la réalité.
Dans une laverie, au bord de la rivière, au Café du Midi, sous l’ampoule paresseuse d’une lampe de chevet, sur le banc d’un parc, contre le lino du van ou accoudée à son sommier, j’ai le front projeté sur du papier. Avachie sur une planche en bois en Provence, au Québec, au Ferret, accroupie sur le bitume brûlant d’un trottoir de Californie, j’ai le menton qui se multiplie et la nuque voutée des grands-pères qui raturent leurs mots croisés. J’écris parce que toute seule, je ne sais pas penser. Je finis par déambuler dans des labyrinthes angoissants de dessin animé sans jamais trouver la porte de sortie. Écrire, c’est jeter violemment un mot après l’autre, les laisser mariner, reformuler, atténuer la forme, peser, simplifier au marteau et aiguiser au ciseau comme on taille des statues de pierre pour en extraire le caractère. J’écris pour sculpter mes idées, composer ma musique et m’inventer des opinions catégoriques. Comme ici et maintenant.
Bientôt, je poserai mes stylos à @lamaisonfrancoismechain. La grosse mouche va s’envoler jusqu’en Charentes pour deux mois de résidence d’écriture. Les mêmes nuages dans le même écran au-dessus d’une nouvelle maison aux volets bleus. Je vais anéantir ma touche Supprimer.
MERCI à Nicole Vitré-Méchain pour sa confiance, son soutien à ce projet qui me tient tant à cœur et l’énergie déployée depuis un an. Merci à la DRAC Nouvelle-Aquitaine pour l’intrusion de la belle fiction dans ma réalité.